zone à construire

05.10.19

21:00 – 04:00

À l'occasion de la Nuit Blanche Paris, les murs, terrasses et recoins de La Station - Gare des Mines se transforment le temps d’une nuit en espaces de projection. Toute la soirée sont diffusés une vingtaine de courts métrages, de documentaires, de fictions et de films d'art ayant tous à voir avec les "zones à construire".

Chacun d'entre eux, à leurs manières, explorent les chantiers, les banlieues, les périphéries de nos villes. Ces brèches, ouvertes par l'indétermination politique et sociale, se révèlent être des zones à défendre, où trouver refuge et où se composent et s'agencent nos désirs, nos rêves et projections.

Ces films expérimentaux et vidéos d'artistes, argentiques ou numériques, sonores ou silencieux, seront projetés dans les espaces intérieurs et extérieurs comme autant d’ouvertures et de fenêtres. Ils transforment nos perceptions des espaces (re)présentés, nous entraînant à les voir autrement mais aussi à les pratiquer autrement. Il s'agit d'une invitation à concevoir ces espaces en devenir, comme perpétuellement en chantier.

En écho à ces films, nous accueillons une programmation musicale du Festival CRAK, festival de musiques expérimentales et inclassables

Cet événement inaugure Le Chantier permanent, qui s'étend sur le territoire avoisinant La Station, comme une enquête menée par le Collectif MU et des artistes associé·e·s. Tout au long de la saison, des œuvres, des projections, des discussions, des ateliers, visent à constituer un corpus hétéroclite mettant en récit une architecture de l’entre-deux, une zone de passages et de flux continus : un espace difficile à habiter, et en mutation rapide.


Une proposition de Détail (Line Gigs et Charlie Hewison), avec le Collectif MU et le Festival CRAK, rendue possible grâce aux collectifs et associations qui œuvrent à distribuer et sauvegarder le cinéma expérimental : LIGHT CONE, L'Abominable, et le Collectif Jeune Cinéma ainsi qu'avec la complicité de La Fabrique du Regard (pôle pédagogique du BAL), Le GREC, Jan Mot gallery, et Ad Vitam Distribution.

PROGRAMME DES PROJECTIONS

Planches, clous, marteaux, de Jérémy Gravayat. 2015. 13'

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Images passées et actuelles assemblées comme traces manifestes et persistantes de formes d’habitats précaires installées aux périphéries. Le bidonville de La Campa, qui fût l’un des plus grands de la région parisienne, était établi à La Courneuve, en Seine-Saint-Denis, entre 1950 et 1970. Y vivaient Portugais et Espagnols, Yougoslave et Maghrébins, Gitans, Tziganes et Gens du Voyage. Des centaines d’entre eux ont travaillé à l’édification des banlieues françaises, comme ouvriers du bâtiment. Là où se tenaient les cabanes, il y a maintenant les arbres du Parc Départemental, espace menacé par les projets urbains du Grand Paris. Depuis 25 ans en France, des milliers de familles vivent toujours en bidonville, majoritairement en Seine-Saint-Denis. L’Année dernière, sur le territoire de La Courneuve, une dizaine d’entre eux ont été détruits par les autorités, sans aucune réelle politique de relogement. Aujourd’hui, Roms ou non-roms, mais avant tout habitants de campements et de bidonvilles sont plus que jamais persécutés dans ce pays. Il y a quelque mois, là où se tenaient les baraques de La Campa cinquante ans plus tôt, des dizaines de baraques ont brûlé en une nuit, au milieu des arbres. Et depuis quelques mois, des familles d’un autre bidonville expulsé, celui du Samaritain, occupent le jardin de la mairie de La Courneuve, en protestation à la vie qui leur est réservée dans ce pays.

Mues, de Daniel Nehm. 2017. 20'

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Mues est un film sur un terrain en transformation. Un terrain à la périphérie de la ville, mais au centre de quelque chose d’autre. Un espace délaissé pendant des années, ouvert, ample, non contrôlé, non cultivé. Un « interstice » urbain. Le film se focalise justement sur cet entre-deux, et sur des rencontres avec ceux qui parcourent ce terrain, qui le traversent, qui l’habitent même.

Là est la maison, de Victor de Las Heras & Lo Thivolle. 2017. 13'

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De l’extérieur on n’y voit rien, à l’intérieur on entend tout. Au loin les chemins se bouchent, quand de près s’ouvrent les possibles.

On Ira à Neuilly Inch'Allah, de Anna Salzberg et Mehdi Ahoudig. 2015. 20'

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On entend l’histoire d’une première grève, celle de jeunes travailleurs de Vélib’, le service de location de vélo parisien. On voit Paris en noir et blanc, filmé en 16 mm, au petit matin. On entend la lutte qui tente de s’organiser, avec la langue des quartiers populaires. On voit le parcours de la manifestation qu’ils auraient voulu faire, jusqu’à Neuilly, banlieue riche où se trouve le siège social de Vélib’. Le film interroge deux relations : celle des jeunes des quartiers populaires et leur place dans la société, leur désir de visibilité, et celle tendue entre image et son au cinéma. Ici, le son tient la narration, tandis que l’image porte l’évocation.

Chronique du 6ème Bief, de Aliénor Vallet. 2013. 7'

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Un campement rom installé le long du 6ème Bief du canal St-Denis vit ses derniers instants. Chronique du 6ème Bief interroge la ville en mutation.

Exposition périphérique, de Marie Ouazzani et Nicolas Carrier. 2018. 52'

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« Exposition périphérique » est un voyage en voiture autour du périphérique extérieur parisien et des villes qui le bordent. Tel un inventaire des plantes qui habitent ce paysage de proche banlieue en pleine transformation du Grand Paris, cette fiction suit des jardiniers qui prennent soin des mauvaises herbes et plantes en pot, comme autant de propositions de résistance à l’urbanisation, et qui vivent dans les interstices laissés par la densification urbaine. Ann Stouvenel.

Skin of the city, de Solomon Nagler. 2016. 6'50''

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Structuré par les textes sculpturaux du poète Robert Lax, Skin of the City (Peau de la ville) erre parmi des usines et moulins sur lesquels la nature a repris ses droits et qui, solidaires, capitulent avec les villes portuaires qui s’érodent à leurs côtés. A base de tirages-contact, le matériel visuel du film nous regarde droit dans les yeux, superposant différents plans, différentes vues et différentes durées tout en rêvant en lumière…

Auber-color, de Flavie Pinatel et la classe de CM1 de l’école Malala Yousafzai. 2018. 3'

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Mise en place d’actions poétiques dans l’espace public. Les jeunes transforment, le temps d’une performance, la rue en un espace festif. Ce film a été réalisé dans le cadre du programme « Culture(s) de demain » de la Fabrique du regard soutenu par l’ADAGAP et dont la thématique en 2017-2018 était « Magiciens du réel ».

Délaissé, de Marie Tavernier. 2009. 45'

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La Maltournée à Saint-Denis, est un espace « délaissé » depuis la construction des routes qui aujourd’hui l’enserrent. Sous une apparente disgrâce, ce lieu se révèle à moi comme une clairière qui accorde la place au hasard, qui offre le temps de regarder, de réfléchir et de converser. Ce lieu sans destination, accessible sans distinction, permet une socialisation « inventive ». Les passants occasionnels comme fidèles m’ont tracé la carte de La Maltournée avant sa disparition.

Bouquets 1-30, de Rose Lowder. 1994-1995. 30'

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Films d’une minute, composés dans la caméra en tissant différents éléments de divers environnements avec les activités présentes au cours du tournage. Le filmage repose sur la possibilité d’utiliser la bande filmique comme une toile, d’enregistrer, en allant en avant et en arrière, les images dans n’importe quel ordre sur la pellicule. Ainsi chaque bouquet de fleurs devient aussi un bouquet singulier d’images. Rose Lowder privilégie les scènes de nature, quand bien même certain des lieux filmés se situent dans une ville. Leur transformation cinématographique est telle qu’ils n’apparaissent plus comme des émanations urbaines mais comme des paysages naturels. Dans ce sens, Rose Lowder perpétue une tradition impressionniste : le travail dans la nature contre le travail de l’atelier ; à la manière de Cézanne, le travail dans le lieu est la condition sine qua non si l’on veut traduire la “petite sensation” et la représenter. » Yann Beauvais

Domino, de Lotte Schreiber. 2005. 12'

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Dans le cadre de ce projet, l’artiste média Lotte Schreiber a entrepris un voyage à travers la Grèce en plein hiver pour inventorier avec sa caméra les architectures anonymes, ces squelettes en béton qu’on y rencontre un peu partout. Dans des paysages montagneux ou côtiers arides, elle détecte ces fragments d’espaces inachevés, imaginés comme maisons individuelles ou hôtels, qui s’inscrivent dans l’environnement méditerranéen à la façon de corps étrangers géométriques.

Rondo 1, de Emilie Lamoine. 2018. 18'

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Ce sont, justement, des tours en voiture du périphérique parisien, tours de manège, tours circulaires, déambulation urbaine où l’apparition redoublée des ‘monuments’ bien connus de la petite couronne, comme des balises (telle cité, telle tour de bureaux, telle usine), ravive le souvenir d’autres traversées, de départs ou de retours, de véhicules partagés, de rêveries incertaines derrière la vitre, de rondos qui n’en finissent pas, revenant toujours au même point.

Ismail Bahri. 2010. 7'30''

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La vidéo est composée d’un plan séquence filmé en caméra subjective retraçant une déambulation dans la ville de Tunis. Le hors-champ reflété dans un verre rempli d’encre sert de boussole, de flotteur illusoire à un cheminement funambulesque. « Caméra en même temps que surface de projection, ce cinématographe primitif a la modestie des origines. Il conjugue en outre les allusions au texte (l’encre), le café ou le thé (la nourriture), au fleuve (la nature autour, et le temps) et enfin à l’instabilité de l’image. » Jean-Pierre Rehm

City Slivers, de Gordon Matta-Clarke. 1976. 15'

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City Slivers est une exploration formelle de l’architecture urbaine de la ville de New York. Créé pour être projeté sur la façade extérieure d’un bâtiment, ce film a été montré pour la première fois à l’exposition en plein air Arcades et plus tard, dans la Galerie Holly Solomon.

Francis Alys - Painting / Retoque. 2008. 8'30''

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L’action Painting / Retoque, documentée par la vidéo, fut réalisée par Francis Alÿs dans l’ancienne zone nord-américaine du canal de Panama. Elle consista à repeindre soixante bandes médianes effacées par le temps, sur la route qui longe pendant 80 km le canal reliant le Pacifique à l’Atlantique et qui coupe ainsi en deux le continent latino-américain. […] geste d’atelier qui prend la forme d’une action publique, posant ainsi la question de l’inscription du geste artistique dans l’espace commun. Cette retouche ravive une couleur passée en même temps que l’histoire récente du continent américain, partagé entre mondes hispanique et anglophone. La zone fut pendant près d’un siècle sous le contrôle d’abord total puis partiel des États-Unis, avant de revenir aux mains du Panama en 1999. Par son incongruité et par l’effort répété, le geste de l’artiste s’apparente à une interpellation adressée aux habitants de la zone, une succession de traits de peinture qui invite à réfléchir à la mobilité des frontières comme à l’oubli de celles-ci.
Julie Crenn et Frank Lamy

Terminal City, de Chris Gallagher. 1982. 9'

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L’hôtel Devonshire dans la banlieue de Vancouver a été détruit par explosion : Gallagher a filmé l’évènement avec une caméra à 200 images par seconde et a manipulé les sons enregistrés sur le moment de façon à ce qu’ils soient joués à la même vitesse que les images. La destruction « artificielle » de la structure est rendue mystérieuse lorsque les explosifs s’accélèrent. La caméra retarde des rythmes naturels d’entropie, une roche fabriquée par l’homme implose dans un paradis statique de fumée et de poussière : la ville devient un nuage de poussière ; des applaudissements et des sifflets, des cris fougueux annonçant le vide.
Tony Rief

Drag, de Bea Haut. 2017. 5'

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Un théâtre poétique sous la fenêtre. Drag commence avec un canapé abandonné dans la rue, et se transforme en un interlude comique où les lois de la route sont suspendues. Une épreuve des matériaux, des règles et des nerfs à même le trottoir. Son gratté à la main.

A l'ouest des rails, de Wang Bing. 2003. 176' et 135'

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Deuxième et troisième parties projetées : Vestiges (2h56) et Rails (2h15). Dans Vestiges qui rappelle par certains côtés Qu’elle était verte ma vallée ou Les Raisins de la colère de John Ford, et même parfois Europe 51 de Rossellini ou les premiers films de Pasolini, nous voici dans un quartier d’habitation, un coron à la chinoise, une sorte de bidonville où les jeunes ont des histoires d’amour, comme partout. Wang Bing nous emmène chez les ouvriers, dans leurs maisons qu’on va détruire pour les remplacer par des HLM. Dans Rails, nous suivons les cheminots qui travaillent sur les vingt kilomètres de lignes de chemin de fer qui irriguent encore Tie Xi, et les « glaneurs » qui tentent d’y survivre en récupérant tout ce qui peut l’être (l’histoire dostoïevskienne et déchirante du vieux Du et de son fils). A chaque fois, à la fin, il n’y a plus que des tas de pierre, de poussière et de rouille, et la neige, toujours la neige, qui recouvre tout.