Station Station _ La station de la Station
Publié le 02.12.21 — Par Margot Mourrier Sanyas
Processus d’autonomisation d’une radio libre.
Entretien avec Marie Descure coordinatrice éditoriale de la radio web Station Station.
« À l’origine ce projet de radio est une impulsion du Collectif MU, qui voulait donner à entendre ce qui se passe dans le lieu de manière diurne et nocturne et ainsi constituer un socle d’archives faites de concerts enregistrés ou d’interviews d’artistes qui passaient dans le lieu. L’objectif était alors de trouver une voix autre et plus durable à la fête. Et d’ailleurs c’est en partie cela qui va se jouer avec Charles Crost, fondateur du label Le Turc Mécanique, et l’artiste et Dj Elen Huynh à qui est confié le projet en 2017, par une carte blanche totale du Collectif MU. Iels vont donner la première couleur ou plutôt je devrais dire une partie - toujours très présente aujourd’hui - du spectre de la voix de la radio. D’un côté à travers le réseau de Charles, des résident·es intègrent Station Station et proposent des émissions de musiques techno, indus et punk-rock. De l’autre Elen apporte une touche expérimentale, bidouille, celle aussi de la noise et de l’électro. Très rapidement, je rejoins moi-même l’organisation de cette radio qui est en train de se monter et de se constituer. Tout simplement parce que je croise Charles à un concert et que je lui dis que je cherche une radio pour continuer de diffuser mon émission, depuis que j’ai quitté mon poste de productrice à Radio PiiAF.
En mai 2017, les premières émissions de Station Station sont produites et diffusées lors de Villette Sonique. Dès septembre, le travail autour de la grille de programmation est renforcé avec l’idée que nous diffuserons 24h sur 24h, 7 jours sur 7. Station Station c’est d’abord donc des Dj sets et des talks. Je pense à Music Herstory, La Trayeuse Electrique, L’autoroute des Titans, une émission produite par Anne C De Vellis aka Marai à propos des collectifs de musique hors de Paris. Toutes ces créations originales font partie des premières propositions de la radio, sur laquelle progressivement la ligne éditoriale de Station Station s’est dessinée.
Dès 2018, le spectre de voix de Station Station s’élargit. Ce travail s’organise avec les initiatives portées par Juliette Gamblin notamment qui fait entrer dans la programmation des émissions à contenus. Ainsi si la ligne éditoriale de Station Station était très musicale - avec un attachement affirmé pour les musiques alternatives trop peu entendues sur d’autres ondes de radio - le spectre explose avec l’arrivée d’émissions tournées autour de l’expérimentation littéraire, textuelle et sonore à travers la voix des animateur·rices qui entrent au studio et des auteur·rices qu’ielles convoquent ou encore même de la création contemporaine. Quelque chose de plus radiophonique commence à se dessiner. C’est pour nous aussi le moment de consolider ce volet tout en restant attaché·es à cette question des marges et des subcultures qui font partie du projet et qui comptent pour les personnes qui décident de nous rejoindre. Nous avons alors creusé cette ligne pour multiplier les formats radiophoniques et la recherche autour de cet outil/média d’émancipation qu’est la radio libre, en allant par exemple chercher de la fiction radiophonique, du documentaire, des expérimentations autour du sons et du texte qui explorent les marges, musicales, amoureuses, sociales, culturelles, en lutte.
En 2019, les choses basculent donc doublement. D’un côté avec l’affirmation de cette voix radiophonique qu’est Station Station, une voix qui réunit une communauté de personnes qui se retrouvent dans les enjeux d’inclusivité, de féminisme et d’écologie radicales, d’autonomie politique et d’autogestion comme de lutte contre le racisme, les violences sexistes et sexuelles ou encore les violences policières. De l’autre avec la transformation de notre organisation au sein même de la coordination radio qui accueille et encadre les résident·es. Avec d’autres résident·es et acteur·rices proche de La Station Gare des Mines, nous nous constituons alors comme une collective organisée en pôles (ayant chacun un rôle spécifique pour conduire la bonne organisation de la radio et l’accueil des résident·es bénévoles). Ce deuxième point aura aussi pour résultante de concrétiser notre envie de nous trouver un fonctionnement statutaire autonome afin de faire des demandes de subventions et ainsi développer le volet social et pédagogique de la radio par la création d’ateliers pour des publics qu’on n’attend pas forcément à la Station : les publics isolés, et stigmatisés, à côtés des publics scolaires. L’idée de radio libre telle que nous la défendons c’est aussi d’ouvrir la porte de La Station, pour faire ensemble et collectivement avec les résident·es et les invité·es, à travers la forme virtuelle de diffusion mais aussi IRL en se retrouvant au studio d’enregistrement et en créant nos propres retrouvailles qu’ils s’agissent de journées thématiques radiophoniques (Radio Glace, 1312 - dénonciations des violences policières, Nuit Blanche à propos de la nuit et du périphérique…) ou d’événements. Enfin je devrais plutôt dire une fenêtre toujours ouverte - à l’angle d’entrée entre Station Nord et Station Sud - pour faire entendre ce qu’on y dit et aussi pour y recevoir et faire sonner fort les voix qui comptent. »
Marie Descure est productrice radio, coordinatrice éditoriale de la radio Station Station et documentariste sonore. Formée à la philosophie et la médiation culturelle, Marie produit depuis 2013 l’émission Marie La Nuit, qui s’intéresse aux musiques indépendantes et expérimentales (sélections musicales, entretiens avec des artistes et des labels). Elle veille également sur la grille radiophonique de Station Station, qui mêle propositions musicales, documentaires sonores, créations radiophoniques et entretiens autour du féminisme, de l’art ou encore de l’écologie. Elle accompagne, enfin, des associations dans la création radiophonique (“Vieillir Vivant”, Carton Plein x Paris 8). En 2020, Marie se forme au documentaire sonore (école Louis-Lumière, à Saint-Denis, et association Longueur d’ondes à Brest) et continue ainsi d’explorer les possibles radiophoniques et sonores.